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Colloque Aragon Grenoble (23-24 mai 2012)
Aragon romancier : genèses, modèles, réemplois
Recherche
Ce colloque international est organisé par l'équipe de recherche Traverses 19-21.
Après l’écriture inachevée de La Défense de l’infini, Aragon s’engage pleinement dans la forme romanesque avec Les Cloches de Bâle (1934). C’est aussi dans les années 1930, après avoir rencontré Elsa Triolet, qu’il fréquente directement et indirectement des linguistes – dont Jakobson – et se familiarise avec la pensée des « formalistes russes ». L’intérêt porté aux analyses que suscite la fiction en prose ne se démentira jamais chez Aragon : après 1960 encore, son questionnement sur les moyens de la fiction est réactivé par l’introduction de la pensée linguistique au sein des débats critiques, comme en témoignent La Mise à mort (1965), Blanche ou l’oubli (1967), ou l’objet complexe que constitue Henri Matisse, roman (1971). Le roman aragonien s’inscrit alors dans une perspective politique et poétique qui, jusqu’à présent, n’a été que fort peu étudiée dans sa dimension langagière, alors qu’il y a là un faisceau de problématiques qui l’ont accompagnée et alimentée : un tel constat invite à explorer le champ ouvert par cette singulière « conscience linguistique », indissociable d’enjeux fictionnels.
Trois axes permettront d’organiser la réflexion :
- la question de la (ou des) genèse(s) devrait permettre d’élucider les notables variantes et variations qui marquent les romans aragoniens depuis les hypotextes disponibles, jusqu’aux réécritures pour éditions successives. Mais le détour par l’étude génétique, champ quasi vierge des études aragoniennes, peut aussi jouer à un autre niveau : celui des modèles, notion présente au sens de « modèle grammatical » et de « modèle linguistique », sous la plume de l’auteur, et associée à la création d’un « style». L’attention à la langue d’Aragon permet dès lors de penser l’inscription de l’œuvre dans l’histoire de la langue littéraire : depuis la fin du xixe siècle, la littérature a progressivement associé à des faisceaux de traits langagiers des effets de sens particuliers, en une série de « patrons stylistiques » qu’Aragon ne cesse de reprendre et de retravailler – on songe par exemple à la transcription de la voix ou de la pensée en cours d’élaboration.
- la question des processus de textualisation viserait à évaluer, d’une part, comment ces processus, repérables dans les avant-textes, sont informés et infléchis par l’existence de ces « modèles », et, d’autre part, comment ils sont redéployés. Replacer la pratique aragonienne au sein de telles configurations permettra dès lors de mieux saisir sa situation dans les imaginaires du temps : romanesques – celui, notamment, de l’écriture de la subjectivité – et linguistiques – telle la prégnance, dans cette prose, des questions énonciatives.
- la question des réemplois rendrait enfin compte d’une généricité mouvante et insisterait sur une approche dynamique de l’emprunt. L’attention pourra être portée sur le « renouvellement » à l’œuvre dans le roman aragonien. La recherche s’attachera à préciser la question de l’intertextualité, pensée comme « entre-texte» et comme « intertextualité ouverte » caractéristique de l’interaction sociale des discours et de l’historicité des poétiques, dans une perspective relevant du dialogisme bakhtinien. La catégorie de « prédiscours » se révélera aussi productive : situer l’écriture romanesque d’Aragon vis-à-vis de ces « cadres prédiscursifs collectifs qui ont un rôle instructionnel pour la production et l’interprétation du sens en discours », c’est retrouver à coup sûr les « savoirs, […] croyances et […] pratiquesqui permettent de ré-historiciser une culture et une imagination parmi les plus fécondes de son temps.
« Maryse VASSEVIERE, genèse d'Anicet (ITEM, 20 novembre 2010)La Revue Fontaine, aux Presses universitaires de Rennes »
Tags : …, penser, question, romanesque, l’ecriture
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