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Par ITEM (CNRS) le 1 Mai 2014 à 12:15
Le prochain séminaire, sous la direction de Maryse VASSEVIERE, sera entièrement consacré à la génétique des textes:
Matin (9h30-12h30)
• Bernard Leuilliot : Manuscrits et édition.• Maryse Vassevière : Travaux pratiques sur le manuscrit de Théâtre/Roman (1974) : une génétique de l’ajout sans fin.
Après-midi (14h-17h)
• Suzanne Ravis : Le mouvement de la genèse dans Le Fou d’Elsa (1963) Comme tous nos séminaires, cette séance est ouverte à tous.Lieu: 45 rue d'ULM, ENS, salle BECKETT (aile droite du bâtiment).
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Par ITEM (CNRS) le 1 Avril 2014 à 10:50
ARAGON LECTEUR ET CONTEMPORAIN DE PIERRE REVERDY
par Bernard Leuilliot.
LECTEUR, parce que la « véritable biographie d’un auteur consiste pour plus de la moitié dans la liste des livres qu’il a lus » (Valery Larbaud, Sous l’invocation de Saint-Jérôme, Gallimard, 1946, p. 328).
CONTEMPORAIN, au nom de cette « contemporaineté » où se croisent et souvent se confondent, disait Aragon, « les lectures, les époques et les rêveries » (« Un grand fauve se lève : Le guépard », LF, 17/XII/1959).
Je dirai quelques mots, sujets à digressions et mises au point, de chacun des articles consacrés par Aragon à Pierre Reverdy de 1918 à 1961 et reproduits dans le numéro 15 des Annales de la Société des amis.
Les trois premiers de ces articles concernent des publications réunies en 1945 dans Plupart du temps à commencer par Les Ardoises du toit, cent exemplaires achevés d’imprimer le 15 mars 1918, 99 pages et deux dessins hors-texte de Georges Braque. L’époque était celle des revues Sic (1916-1919), Nord-Sud (1917-1918) et Littérature (1919-1921 et 1922-1924), et d’une amitié dont témoignent les lettres publiées de Reverdy à Breton : « Vous êtes tous trois, avec Aragon et Soupault, des amis que je suis fier et heureux d’avoir gagnés. Votre jeunesse, votre sincère pureté me donnent une satisfaction que l’on a bien rarement en art » ; «…reçu hier une lettre d’Aragon très tendre. […] Vous êtes sans doute mes plus purs amis ». Aragon avait alors pris le parti de Reverdy dans la querelle qui l’opposait à Max Jacob sur le poème en prose (« Rimbaud, puisque son nom fut prononcé », Le Carnet critique, avril-mai 1918). Mais l’on peut aussi rêver sur ce portrait-charge d’Aragon, venant après celui de Breton, dans un « conte » de La Guitare endormie : « Le deuxième enfant qui a un oiseau prisonnier dans sa tête est bleu comme le ciel entre deux murs trop blancs en plein midi / Sa tête dépasse les autres têtes avec un mouvement continu en forme d’aile de mouette / Au-dessus des mâts dans le vieux port » (« Médaille neuve », 1919 ; OC, I, 817). Caricatures ? Il s’agissait pour Reverdy d’avertir ses compagnons de son peu de goût pour les maîtres – Gide, « professeur de mœurs antiques comparées aux modernes », ou Valéry – que semblait s’être choisis les fondateurs de Littérature : « Littérature me déplaît » (Reverdy / Breton, 22 février 1919)
Reverdy est crédité par Aragon, dans sa chronique, de l’introduction en poésie de la « série négative », comparable chez les peintres à l’ « emploi du noir », qu’avait longtemps banni un « inconcevable préjugé » . C’en était fini de ce préjugé depuis que Matisse, notamment, avait commencé d’utiliser le « noir pur » comme une « couleur de lumière et non d’obscurité » (selon ce qu’en disait Matisse lui-même : Écrits…, n.73, p. 117). Aragon y reviendra à plusieurs reprises dans Henri Matisse, roman, à propos de « La porte-fenêtre à Collioure », tableau de 1914, visible aujourd’hui au Centre Pompidou et reproduit en couverture du t. I. de l’édition originale de Henri Matisse, roman (Pierre Schneider, p. 447, 453-454 ; Hillary Spurling, II, 177 : « Le balcon ouvert » dans une lettre de Matisse à sa femme). Mais l’on pensera surtout au titre de l’hommage funèbre de 1960 : « Un soleil noir s’est couché à Solesmes » et à ce frontispice d’un numéro de Verve, paru « au 25 novembre 1945 », évoqué par Aragon dans Henri Matisse, roman ( « Quarto », p. 705 ; voir Henri Matisse, Écrits…, p. 197-199) et qui se présentait, dit-il, avec « sous un soleil noir les trois mots De la couleur signés Henri Matisse ». On jugera par là de l’insistance du motif, de 1918 à 1960 et au-delà, avec, en mémoire, il va sans dire, le « déshérité » de Nerval et son « soleil noir », soleil noir « de la mélancolie ».
Poète donc de la nuit et d’une ombre que « quelques tableaux de plein soleil » ne mettent que mieux en valeur : « Avant l’objet, dit Aragon, son ombre le touche : rien ne l’émeut que cette forme impalpable et changeante… Plutôt que de nommer ce qu’il voit, il préfère dire ce qui manque : chaque absence l’afflige et le trouble à l’intime. » Reverdy parlait lui-même de l’obligation qu’il s’ était faite de « fixer le lyrisme mouvant et émouvant de la réalité » (Le Gant de crin, OC, II, p. 546 ; cité par Michel Collot, « Le lyrisme de la réalité », Europe, janvier-février 1994, p. 41). A quoi correspondent chez lui une nouvelle pratique de la mise en page (Reverdy fut longtemps correcteur d’imprimerie) et de l’image.
1) la mise en page. – Aragon parle un peu vite, dans son article, du « balancement qui oppose l’un à l’autre les hémistiches mis en relief par un alinéa ». C’est en fait d’une véritable « énonciation typographique » qu’il s’agit, ainsi nommée par Anne-Marie Christin (« De la peinture à la poésie. L’énonciation typographique chez Pierre Reverdy », Europe, janvier-février 1994, p. 67-72) : « Le blanc y est utilisé avec la même précision et la même opacité que les mots », associé à l’ « usage du présent » et au « lexique des objets », la « palette de mots », dira Aragon, comme chez Matisse – et les peintres - la « palette d’objets » ( Henri Matisse, roman, « Quarto », Gallimard, n. 2, p. 308 : « …il eût sans doute ici fallu une citation de Pierre Reverdy, le poète le plus peintre de notre temps, et dont l’invention poétique part aussi d’une palette de mots, le vent, la fenêtre, la table, la persienne, la nuit… »). Je m’en tiendrai aux témoignages à ce sujet de Valery Larbaud, sur la signification des silences « par des blancs et des espaces, des mesures pour rien » (à propos d’ « Éloges » de Saintleger Leger, dans La Phalange de décembre 1911, cit. Saint-John-Perse sans masque, PU de Rennes, 2006, p. 58), de Guillevic : « J’ai toujours été attiré par le blanc sur la page. Le blanc, je veux dire le silence. Un des poètes qui m’ont le plus impressionné pour mon écriture, ma facture, c’est Pierre Reverdy » (Vivre en poésie, Stock, 1980, p. 186) et de Jacques Réda, sur la façon dont Pierre Reverdy « disperse les images, découpe la phrase, en isole des segments sans verbe où les mots prennent une densité dynamique d’objets associés dans une nature morte » (La Sauvette, Verdier, 1995, p. 106). Je ne puis que vous inviter à relire de ce point de vue Feu de joie (1920), où du reste un poème – « Lever », le plus long et sans doute l’un des plus prometteurs du recueil – est dédié « À Pierre Reverdy ». [Il y est question du « prestige inouï de l’alcool de menthe », comme en 1965, à quelque 15 ans de distance, dans La Mise à mort, épisode du « Carnaval » (Pléiade, V, 223) et la même année dans Littératures soviétiques, p. 273 : « Je ne puis, marchant dans la campagne, cueillir par hasard de la menthe, la froisser dans mes doigts, qu’aussitôt avec la parfum me remontent des souvenirs de la guerre, des guerres. »]
2) l’image. – L’année 1918 avait été celle, surtout, d’un article consacré par Reverdy à la définition de l’« image » : « Elle ne peut naître, écrivait-il, d’une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées », étant entendu que « plus les rapports de deux réalités rapprochés seront lointains et JUSTES, plus l’image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique » (Nord-Sud, n° 13, mars 1918 : OC, I, 495). La définition en fut reprise par André Breton en 1924 dans le Manifeste du surréalisme, où l’arbitraire est valorisé aux dépens de la justesse du rapprochement : d’un côté, selon Breton, l’ « image arbitraire, désorientante » et de l’autre, selon Reverdy, « celle qui possède les pouvoirs de la surprise tout en demeurant motivée » (Marguerite Bonnet, André Breton…, Corti, 1975, p. 362 ; Etienne-Alain Hubert, « Autour de la théorie de l’image », Circonstances…, p. 22). Reverdy y revient en 1927 dans Le Gant de crin : « Deux réalités qui n’ont aucun rapport ne peuvent se rapprocher utilement. Il n’y a pas de création d’image » (OC, II, 555). Il va de soi que dès 1918, les préférences d’Aragon allaient à l’image selon Reverdy, dont il donne cet exemple : « Ils sont assis / La table est ronde / Et ma mémoire aussi / Je me souviens de tout le monde / Même de ceux qui sont partis ». – « C’est dans le vers plats, disait aussi Aragon, qu’on reconnaît le génie » (« Pour le centenaire des Fleurs du mal », LF, 14 mars 1957 ; OP, XIII, p. 21).
On comprend que l’auteur – Pierre Reverdy - de ce « livre nocturne » ait pu qualifier la chronique d’Aragon de « bel article de compréhension sensible » (à André Breton, 4 juillet 1918 ; OC, I, 1335). Nous ignorons ce que fut la réaction de Reverdy à l’article-poème consacré par Aragon, dans Littérature (n°1, du 15 mars 1919) aux Jockeys camouflés et Période hors-texte (40 pp.,105 exemplaires, cinq dessins de Henri Matisse, achevé d’imprimer le 30 décembre 1918), exemple de « critique synthétique », telle que pratiquée par Aragon (et Reverdy lui-même) à la fin de l’année précédente dans Sic. Dans son article sur Alfred Jarry, André Breton avait évoqué la façon dont en « pataphysique », la critique « d’analytique devient synthétique et s’élève à la hauteur d’un art » (Les Écrits nouveaux, janvier 1919 ; Les Pas perdus, 1924). Aragon, en 1968, attribuera la paternité de l’expression à Pierre Albert-Birot, préférant parler d’ « espèces de poèmes en prose » (Aragon parle…, p. 33-34). Quant à la « matinée Reverdy » du dimanche 16 mars 1919, au cours de laquelle Aragon et André Breton auraient dû lire de ses poèmes chez Léonce Rosenberg, on se reportera au récit plein de verve qu’avait écrit Aragon pour Jacques Doucet. Reverdy, dans « Les hommes inconnus » (OC, I, 754-758 et 1409-1411 ; Circonstances, 129-150), avait lui-même pris ses distances avec le « mouvement moderne » et les « futurs personnages illustres » que passaient pour être Aragon (« M.A. »), Breton (« M. B. ») et le très jeune protégé de Cocteau et d’Aragon, Raymond Radiguet (« M. R.»).
L’année 1921 est celle du baptême, le 2 mai, de Pierre Reverdy. Aragon était devenu l’auteur d’Anicet ou le panorama, roman, titre, dit-il, « amputé » de la mention « roman » par l’ « imprimeur de la nouvelle revue française ». Je rappelle que Quelle âme divine, dédié dans Le Libertinage (1924) « À Marguerite » avait paru, sans dédicace, dans Littérature sous le titre « Quelle âme divine (roman) » (15/X/1919). « Roman », donc, comme chez Reverdy Le Voleur de Talan, roman (1917) ou L’Imperméable, roman (1919). Il faut savoir que Balzac avait été l’ « évangile » de Reverdy dans sa jeunesse (OC, I, XXV). Point n’est besoin d’alléguer la censure du genre exercée par le « groupe Dada, bientôt surréaliste » pour expliquer cette amputation (comme Georges Aillaud, « Anicet ou le panorama, "roman" », Annales de la SOCiété des Amis…, n° 12, 2010, p. 166). Nous ne sommes pas en 1924. Tristan Tzara avait rendu compte très favorablement du Voleur de Talan, roman dans Dada 2 (« Le roman de Reverdy est un poème… »). Quant à André Breton, il tenait, comme Aragon, en haute estime Dostoievski et Stendhal, auxquels, pour solde de tout compte, ils attribuaient des notes allant de 13 à 15 ( (« Liquidation », Littérature, mars 1921). Les interdits formulés dans le Manifeste de 1924 portent sur la place faite aux descriptions et à la « psychologie », défauts dont on conviendra que sont exempts les « romans » de Pierre Reverdy ou d’Aragon. La mention du genre dans l’intitulé consiste à présenter l’objet pour ce qu’il prétend être. C’en est la dérision, et cela n’est pas contradictoire avec les interdits prononcés en 1924.
La rupture de Breton et des siens avec la « grande malice de Dada » (Aragon/Breton, 14 septembre 1922 ; le ton est donné par Breton dans ses articles recueillis en 1924 dans Les Pas perdus : « Après Dada », « Lâchez tout » et « Clairement », où sont confondus dans un même hommage Apollinaire er Reverdy) est consommée l’année suivante, après l’ajournement, en février 1922, du « Congrès de Paris pour la détermination des directives et la défense de l’esprit moderne ». Reverdy, en août, fera part, dans une longue lettre à Jacques Doucet, des raisons qu’il avait eues de combattre Dada au lieu, disait-il, de « contribuer à ce mouvement qui eût tant été dans mes vues d’à présent » (François Chapon, Mystère et splendeurs de Jacques Doucet, JC Lattès, 1984, p. 287). Aragon, en novembre de la même année 1922, publie Les Aventures de Télémaque. Il était alors employé, sur recommandation de Louis Jouvet, comme secrétaire de Jacques Hébertot, directeur du théâtre des Champs-Elysées. Celui-ci lui confiera, en mars 1923, la direction de Paris-Journal où paraît, le 14 décembre, le « Pablo Picasso » de Reverdy (OC, I, 578-592 et 1371-1375), en même temps que la série des chroniques du « Ciel étoilé », consacrées par Aragon à Apollinaire (30 novembre), Pierre Reverdy (7 décembre) et Henri Bataille (28 décembre). J’en profite pour signaler ou rappeler que Valery Larbaud considérait Henry Bataille comme « un des quatre auteurs pour lesquels son admiration et envers lesquels sa dette étaient persdonnelles ». Et je recommande la lecture de La Chambre blanche, publié en 1895 au Mercure avec une préface de Marcel Scwob et réédité en 1988 aux Editions de La Différence. Plutôt que d’ironiser sans fin sur ce goût qu’afficha sans désemparer Aragon pour Henry Bataille, le poète Henry Bataille.
Aragon, dans son article de 1923, dans Paris-Journal, procède par anamnèse, en première personne, et « parle » son sujet : « C’est alors que dans un quartier désert je rencontrai un homme sur lequel les hommes n’avaient aucun pouvoir… ». Il y a comme cela, souvent, chez Reverdy, « des personnages qui naissent / Pour une minute ou pour l’éternité… » (« Entre deux mondes », Les Ardoises du toit, OC, I, 218). Aragon poursuivait en revendiquant « toute la place » pour la poésie, et pour Pierre Reverdy : « Les tables sont encombrées de candidats au prix Goncourt. Qu’on les jette aux ordures, il me faut toute la place pour Pierre Reverdy, le plus grand poète français vivant. » L’attribution, le 15 mai 1924, à Pierre Reverdy, du prix du Nouveau Monde fut l’occasion pour Aragon, Breton et Soupault de saluer en lui le « plus grand poète vivant », et de se réclamer de son exemple : « Nous ne sommes auprès de lui que des enfants. Son influence […] est la plus profonde que l’on puisse distinguer » (Tracts surréalistes, José Pierre éd., I, p. 11 et 366-367)
Aragon revendiquait l’antériorité sur le Manifeste du surréalisme, achevé d’imprimer le 15 Octobre 1924, de son propre manifeste, « Une vague de rêves », paru ce même mois dans Commerce (dirigé par Valéry, Fargue et Larbaud), mais dont le texte aurait été, selon lui, « remis à cette revue en juin » (Aragon parle avec Dominique Arban, 1948, p. 45). Un essai de Pierre Reverdy – « Le rêveur parmi les murailles » – figurait au sommaire du premier numéro de La Révolution surréaliste, principalement consacré à des récits de rêves (OC, I, 598-601 et 1377-1378). De ces trois textes, l’un ne va pas sans les autres. Aragon cite Reverdy au nombre de ceux dont les « portraits sont accrochés aux parois de la chambre du rêve », alliés substantiels, mais extérieurs au groupe et que n’avait pas touchés l’ « épidémie de sommeil » qui s’était abattue sur les surréalistes. Breton, dans le Manifeste, consent à rendre hommage à Reverdy, désigné comme « surréaliste », mais « chez lui », c’est-à-dire à sa manière, qui pouvait n’être pas toujours la bonne. Quant à Reverdy, il ne pouvait souffrir l’idée d’une « dictée automatique de la pensée » : « Ma pensée, écrivait-il, ne me dicte pas, puisqu’elle est elle-même cette fonction de l’esprit qui a besoin pour prendre corps de se préciser en mots, de s’organiser en phrases » (OC, I, 599). Aragon, dans « Une vague de rêves », considérait lui aussi qu’il ne saurait y avoir « de pensée hors des mots », ajoutant que le « nominalisme absolu » avait trouvé dans le surréalisme une éclatante démonstration (L’Œuvre poétique, II, 235). Il aurait pu souscrire à cette définition du poème comme résultant de l’« effervescent contact de l’esprit avec la réalité ». Reverdy, qu’il faut se représenter « un poing sur la réalité bien pleine » (« Près de la route et du petit pont », OC, I, 261), ne manqua jamais de prendre ses distances avec les charmes ou les maléfices du rêve et des faux rêveurs, comme ici, dans Le Gant de crin, en 1927 : « Le rêveur pris aux mailles de son filet de leurre se voit dieu, se vit ardemment roi, génie, être parfait, riche, fort, au-dessus de tout et de tous ; en fait il est cet individu borné, de facultés intellectuelles médiOCres, ou cette épave pitoyable que vous évitez de coudoyer dans le flot de la rue » (OC, II, 549), ou encore dans cette note des années quarante : « Ce sont les surréalistes qui ont fait au rêve une réputation qu’il ne méritait pas. Peu rêveurs, aussi peu que poètes, d’ailleurs, Breton surtout, ils ont cherché dans le rêve un alibi » (OC, I, 1153).
Pierre Reverdy quitta Paris pour Solesmes le 30 mai 1926, accomplissant un « pas vers Dieu » qui se révéla n’avoir été qu’un « pas de recul devant la vie » (« Bloc-notes des années 1939-1940 », OC, II, 1507).
A propos de Solesmes : il s’agit de Solesmes dans la Sarthe, où se trouve l’abbaye bénédictine rétablie après la Révolution par Dom Guéranger, restaurateur de la liturgie et du plain chant, en non de Solesmes dans le Nord, traversé par le GSD 39 le 10 mai 1940 (« du point de vue historique ») : « C’est le Solesmes de l’abbaye ? » demande le jeune Morlières dans Les Communistes, auquel il est répondu « Non, l’abbaye, c’est Thélème ! » (IV, 12, Pléiade, IV, 106).
Le 6 janvier 1927, « Jour des Rois », Aragon adhérait au Parti communiste pour ne plus le quitter. Et sans doute cessèrent-ils, l’un et l’autre, de se lire comme de s’écrire ou de se voir. « Il me semble, devait écrire Aragon dans sa chronique de 1946, qu’il m’arriva, il y a vingt ans environ, l’homme est ainsi fait, de me fatiguer de cette poésie. » Reste que Pierre Reverdy se joignit, en 1932, aux signataires de la protestation contre l’inculpation de l’auteur de « Front rouge » (Tracts surréalistes, I, 209) et qu’Aragon, au plus fort de la « querelle du réalisme », se souviendra, en 1936, d’une anecdote relatée dix ans plus tôt par André Breton, qui ne pouvait la tenir que de Reverdy : « On a bien souvent cité, disait Aragon, ce mot de Georges Braque qui se demandait d’une de ses natures mortes si elle tiendrait placée dans un champ de blé » (La Querelle du réalisme, ESI, 1936 ; Ecrits sur l’art moderne, Flammarion, 2011, p. 91). Le mot faisait débat depuis la prise de position d’André Breton à son sujet, en 1926 : « Je sais que Braque eut naguère l’idée de transporter deux ou trois de ses tableaux au sein d’un champ de blé pour voir s’ils "tenaient". Cela peut-être très beau à condition qu'on ne se demande pas à quoi, à côté de quoi tient le champ de blé. Pour moi, les seuls tableaux que j'aime, y compris ceux de Braque, sont ceux qui tiennent devant la famine » (« Braque 1913 », La Révolution surréaliste, mars 1926 ; OC, IV, 362). Breton y revient en 1939 : « Le problème n’est plus comme naguère de savoir si un tableau tient par exemple dans un champ de blé, mais s’il tient à côté du journal de chaque jour, ouvert ou fermé, qui est une jungle, autrement dit s’il est situé » ( « Prestige d’André Masson », Minotaure, mai 1939 ; OC, IV, 533 ; on se souvient des polémiques soulevées par Sartre déclarant, dans Le Monde du 18 avril 1964, que La Nausée ne ferait pas le poids « en face d’un enfant qui meurt », et de la réplique de Claude Simon dans L’Express du 28 mai). Il appartenait à Reverdy de conclure. Il le fit dans l’essai qu’il consacra en 1950 à Georges Braque : « En 1917 je rejoins Georges Braque dans le Midi près d’Avignon, et un jour, en allant à travers champs, de Sorgues au hameau où j’habitais moi-même, Braque portait, au bout d’un bâton passé par-dessus son épaule, une toile de lui. Nous fîmes halte. Braque posa le tableau à plat, parmi les cailloux ou les herbes. Je fus frappé d’une chose et je lui dis : "C'est étonnant ce que ça tient contre la couleur réelle et les pierres." On m’a dit, depuis, qu’il s’agissait surtout de savoir si ça tiendrait même contre la famine. Je réponds aujourd’hui. Oui, ça a tenu et contre bien d’autres choses encore, car les toiles n’ont peur de rien » (« Une aventure méthodique », OC, II, 1256-1257). Aragon lui-même y revient en 1965 dans la préface des Beaux Quartiers (Pléiade, II, 28 : « On connaît cette histoire de Braque… »).
Reverdy ne devait rompre qu’en 1945 le « pacte avec le silence » qu’il s’était imposé sous l’Occupation (Circonstances, p. 231) après ses derniers poèmes publiés :
- « Crève-cœur » (eh ! oui), dans les Cahiers nouveaux, Bruxelles, février 1940 > « Cale sèche », Main d’œuvre, 1949.
- « Plein verre », Nice, 1940 > Main d’œuvre, avec cette date : « mai 1940 », donc avant l’Occupation.
Au « Crève-cœur » de 1940 (« Dans une seule nuit j’ai perdu mon âge et mon nom ») semble répondre… en 1953, « Le bonheur des mots » : « Je n’attendais plus rien quand tout est revenu » (Botteghe oscure, 1953) > La liberté des mers (1959).
Avec, toutefois, cette exception, d’envergure : « Dulce et decorum est pro patria mori » (« Je voudrais écrire ton nom… »). Poème « de circonstance », daté de « Solesmes, 3 octobre 1941, 4 heures du matin », et destiné à accompagner le faire-part de la messe célébrée le 28 novembre 1941 à Saint-Pierre de Montmartre en souvenir de Jean-Sébastien Galanis, disparu en mer « pour la gloire de la France » > Tombeau de Jean-Sébastien Galanis, Daragnès, 1949. – J.-S. Galanis était le fils du graveur Démétrius Galanis, qui avait été le voisin de Reverdy au 12, rue Cortot (OC, II, 1420-1421 et 1584-1585). - Le poème d’Eluard (« J’écris ton nom… ») a paru dans Poésie et vérité 1942, achevé d’imprimer le 3 avril 1942.
Mais le ton est donné par cet échange auquel avait participé Brassaï, en juin 1944, à Paris, dans l’atelier de Picasso :
Valentine Hugo lui demande à quoi il travaille. – Moi, travailler ? À rien Valentine. Je trouve que les événements débordent la littérature… – Vous ne voulez tout de même pas insinuer que les communiqués de guerre soient plus intéressants que les poèmes ? – Mais si, si. C’est exactement ce que je veux dire… La seule littérature qui mérite d’être lue en ce moment… Et je peux vous assurer qu’elle me passionne… – Les années 1870-1871, années de guerre, du désastre et de la Commune, fais-je remarquer à Reverdy, avaient pourtant été très fécondes pour les arts. […] – C’est bien possible, mon cher… Tout ce que je peux vous dire, c’est que moi je suis comme paralysé par les événements, incapable d’écrire une seule ligne par ces temps effroyables que nous vivons.
Le prière d’insérer de Plupart du temps, achevé d’imprimer le 29 juin 1945, n’épargnait pas les « bulles d’encre », dont les « événements » – les circonstances – n’avait pas découragé la production de la part d’écrivains qualifiés ailleurs de « féconds encriers » (OC, I, 1283 ; Circonstances, p. 237). Aragon, pour sa part, avait toujours « considéré le silence comme une lâcheté, ou de l’attentisme ». Il se trouva un allié en la personne d’un très proche ami de Reverdy. Chrétien de gauche, ancien directeur de Temps nouveau, membre, en 1943, au côté d’Aragon, de la première « Étoile » ( avec Auguste Anglès, Henry Malherbe et Jean Prévost), Stanislas Fumet (1896-1983) avait publié « La rose et le réséda » dans les pages littéraires du périodique marseillais Le Mot d’ordre en date du 11 mars 1943. Les Etoiles d’octobre 1943 évoquent son « arrestation scandaleuse », en septembre, par la Gestapo (François Eychart et Georges Aillaud éd, Le Cherche Midi, 2008, p. 238).
Abordée par Léon Moussinac dans Les Lettres françaises du 8 décembre 1945, en réponse à un éloge, par Georges Mounin, d’Eluard, de Ponge et de Char, aux dépens d’Aragon (« Trois poètes de la dialectique », Les Lettres françaises, 24 novembre 1945), la question des rapports de la poésie et de la circonstance n’allait pas sans débat, ni du reste sans malentendus, selon qu’il s’agissait des circonstances de la poésie ou de la poésie de circonstance. Goethe s’était fait, en 1823, le défenseur de la « poésie de circonstance », considérée par André Breton en 1932, dans Misère de la poésie, comme un « exercice poétiquement régressif ». Prenant prétexte du débat provoqué par la publication de « Front rouge » et par l’inculpation d’Aragon, et s’autorisant de la lecture de Hegel, Breton entendait distinguer entre « une face sociale et une face poétique » du problème, tout poème « échappant » de par sa nature à la « réalité de son contenu ». Force lui était donc, considérant le « tour de ce poème, sa référence continuelle à des accidents particuliers, aux circonstances de la vie publique […] de le tenir […] pour un exercice […] poétiquement régressif, autrement dit pour un poème de circonstance ». La protestation des surréalistes contre l’inculpation d’Aragon entendait s’élever contre toute tentative d’interprétation d’un texte poétique « à des fins judiciaires ». André Breton n’en considérait pas moins qu’il convenait de distinguer entre les « deux faces du problème », entre sa « face sociale » et sa « face poétique ». Autrement dit et paradoxalement : Front rouge était un poème, et cela justifiait la protestation. Mais « du point de vue surréaliste », ce n’était pas un poème, et cela justifiait sa condamnation par André Breton. [Voir dans l’Esthétique de Hegel, traduite par Charles Bénard, le chapitre sur « L’œuvre d’art poétique libre », portant condamnation des « œuvres poétiques de circonstance […] bien que, en particuler dans la poésie lyrique, les œuvres les plus renommées se trouvent dans cette catégorie », Le Livre de Poche, II, 441].
La position de Pierre Reverdy était sans équivoque : tous les poèmes dits « de circonstance » étaient « nuls » à ses yeux, car « on n’est pas poète par occasion » (« Bloc-notes de janvier-mars 1942 », OC, II, 1515). Cela, il est vrai, en un moment où il se disait résigné à n’écrire « plus jamais une ligne dans l’intention de faire un poème ».
Sur le point, en 1946, de démissionner du Comité national des écrivains, après l’exclusion d’un de ses membres, jugé coupable d’avoir, dans une anthologie, réuni des poèmes d’Aragon et de Maurras, Jean Paulhan s’en expliqua ainsi auprès d’Aragon : « Vous avez publié, vous aussi, et vos poèmes nous appartiennent à tous. Et j’ai le droit de me tromper sur les uns et les autres. Me direz-vous que c’est attacher trop de prix à la littérature que de la détacher à ce point de la politique ? À ceux qui me disent : "Aragon a bien changé depuis vingt-cinq ans" je réponds : "Lisez son Reverdy, qui est d'avant-hier. Il eût pu l'écrire en 1920". » Son Reverdy de 1946 se lit dans la première, en avril, de ses Chroniques du bel canto. L’occasion avait été pour Aragon celle de la publication, en 1945, de Plupart du temps, édition collective des livres de poèmes de Reverdy parus de 1915 à 1924.
Aragon, dans sa chronique, revient sur sa propre « histoire », celle de ses « vingt ans », et sur les « vingt-trois à trente-deux ans » qui l’en séparaient, après « une autre guerre », pour convenir que l’homme Reverdy n’avait « rien compris » à ce « monde atroce » dont il avait été « le jouet et la victime », à charge pour nous de voir « au-delà » de cette poésie de l’ « homme abandonné des hommes », et de compter avec ses circonstances : « …à une époque où la peinture s’était fait sa palette d’objets des éléments quotidiens d’une vie misérable (car c’est à la pauvreté des peintres, de leurs ateliers, que sont dues les couleurs bises et grises de la peinture en ce temps-là, le choix des ustensiles dans la nature morte, où le paquet de tabac, le journal, la boîte d’allumettes remplacent les belles faïences, les cuivres et les fruits traditionnels), la poésie d’un Reverdy, son vocabulaire élagué, était le terrain vague, la rue hostile, l’escalier délabré d’une vie qui était celle des peintres et des poètes d’alors. » Reverdy ne fut pas insensible à la teneur de ce « bon article d’Aragon », qui mettait au jour, selon lui, ce que « personne n’avait vu et n’avait dit jusqu’à présent (février 46) : que cette poésie, cette peinture sont nées des circonstances où se trouvaient les peintres à cette époque. Peintures grises modestes et pauvres, objets usuels, poésie de terrains vagues, d’escaliers délabrés, d’ombres menaçantes. Reflets de la misère, de la précarité, de la vie restreinte et sans luxe, d’avenir mal assuré. Peu de gens pouvaient apercevoir ces marques évidentes dans cette période de fausse et scandaleuse prospérité de l’entre deux grandes guerres. Alors régnèrent le bruit, le clinquant, le battage. Il a fallu ce nouveau cataclysme et le dénuement qu’il entraîne pour ouvrir les yeux sur cette réalité vieille seulement d’un peu plus de trente ans » (« Bloc-notes et agenda (1945-1946) », OC, II, 1138). Reconnaissant, dans sa réponse, le 12 février 1946, à une enquête des Étoiles (pour lors dirigées par Pierre Emmanuel) que les événements récemment vécus avaient radicalement transformé sa « façon de penser et de sentir le monde » et que toujours les « circonstances » décidaient de ce que qu’exprimait le poète, il ajoutait toutefois qu’à moins de « résonnance suffisante » sur son « être profond », cette expression ne serait jamais qu’une « vaine grandiloquence » (OC, II, 1221-1222)1. Le mois suivant paraissait dans le même périodique un poème plus tard recueilli dans la section « Bois vert » de Main d’œuvre : « Homme de main, homme de peine » (OC, II, 443-444, où toutefois le titre a été mis au pluriel : « Hommes de main…) : « Il y a de l’espoir sur la planche / Des rêves à nourrir / Des chansons à pleins bras / Et pas de regard en arrière / Où l’orage et le sang s’évaporent déjà / On a laissé flétrir la rose de colère… / Et puis plus rien, plus rien à dire ». Reverdy aurait pensé, en l’écrivant, à l’ « auteur des couplets des Yeux d’Elsa » (Circonstances, 242).
[– 2e trimestre 1946 : « Les poissons noirs ou de la réalité en poésie », Le Musée Grévin (Minuit) – daté « août-septembre 1943 » par référence aux « circonstances » de l’originale clandestine (Bibliothèque française, 1943), parue sous le pseudo de « François la Colère ».
- Œuvres poétiques complètes, Pléiade, I, 914 / « Oui, le Musée Grévin est un poème de circonstance. » - 917 / « Que ce sont les circonstances qui font l’épique de la poésie implique évidemment que l’épopée est toujours poésie de circonstance. » - 918 / « Nous traînons encore… le bonnet de coton de la poésie pure, la coiffure de papier du surréalisme [voir 31 mai 1941] » - 920 / La Chanson de Roland « ne peut plus se séparer de l’énorme domaine de mots et de rêveries dont elle s’est prolongée… doublée d’un volumineux roman qu’il est passionnant de lire et qui est fait de tout ce qu’on a écrit d’elle… une sorte de Don Quichotte aux péripéties innombrables… »
- exemple : Joseph Bédier, Les Légendes épiques, [Nouvelle édition revue et corrigée, Champion, 1914] 1966, t. III, « La ville légendaire de Luiserne », p. 152-166. –Siège de « Luiserne » par Charlemagne, qui en appelle à la « vengeance de Dieu » : « Lors chaïrent les murs […] et une grande eaue ainsi comme estanc leva emmi la cité, noire et obscure et horrible ; si nooient dedans grans poissons tous noirs qui jusques aujourd’hui sont veüs noers parmi cel estanc » (Pseudo Turpin, dans Bédier, 155). – Luiserne ? Luiserne ou Ventosa en Valverde près du lac de Carucedo, sur le territoire de l’abbaye du même nom, à qqs. km. de la route de Compostelle. – « Lucerna ventosa quae dicitur Karcesa quae est in Valle Viridi » (Pseudo Turpin). – Billet de M. L. Barrau-Dihigo : « Retrouvé les poissons noirs de la légende et de la réalité » dans le Diccionario geografico de Madoz : « …anguilas in abundancia… non menos abundan las culebras y unos peces negros que nadie come por su insipidez » (Bédier, 165). - 925 / « Le frisson poétique… la découverte scientifique s’est changée en beauté… Luiserne n’est poétiquement plus la même du moment que ces poissons noirs croisent dans les eaux d’un lac rouge aux abords de Compostelle. Luiserne purement inventée n’était rien, parce que je peux imaginer mille et une Luiserne. » Rem. 1 : la théorie de Bédier est évoquée dans la préface aux 33 sonnets écrits au secret (Jean Cassou dit « Jean Noir ») : « Les chansons de geste naquirent des sanctuaires qui ponctuaient sur les routes de France l’itinéraire des grands pélerinages et notamment celui de Compostelle ». – Rem. 2 : le « frisson » est dû à la conjonction ET dans : « les poisons noirs de la légende ET de la réalité »… 927 / le mot de Goethe sert de caution : « Nous vivons à une époque où règne cette étrange conception lunaire que le poésie n’est pas de circonstance quoi qu’en ait dit Goethe… ».
[18/IX/1823 - Conversations de Goethe avec Eckermann, nouvelle traduction de Jean Chuzeville, Gallimard, 1941 [ < 2 vol. Henri Jonquière, 1932], p. 27-28 : « Les sujets de poésie ne feront jamais défaut. Mais il est nécessaire que ce soient toujours des poésies de circonstance, autrement dit il faut que la réalité fournisse l’occasion et la matière. […] Mes poèmes sont tous des poèmes de circonstance. Ils s’inspirent de la réalité. C’est sur elle qu’ils se fondent et reposent. Je n’ai que faire de poèmes qui ne reposent sur rien. » (cit. Eluard, « La Poésie de circonstance, conférence du 17/1/1950, dans La Nouvelle Critique, avril 1952). – Eluard, Poésie et vérité 1942 « emprunte à Goethe son nom [son titre] » (Aragon, L’Homme communiste II, p. 129).]
929 / contre la « mode de l’inexplicable » ; exemple : Maurice Scève, « Le cerf-volant aux aboys de l’autruche » (l’autruche = la Maison d’Autriche), un « poisson noir pour tout dire ».
Aragon ne parlait pas lui-même de « poésie de circonstance(s) », sinon pour en assumer le reproche, toujours venant d’autrui : « Poésie de circonstance, disent-ils… Et tant mieux… » ; « cette poésie qu’on appelle par dérision de circonstances… » ; « …généralement dite de circonstances » (Chroniques de la pluie et du beau temps, Éditeurs français réunis, p. 23, 66, 79, entre autres). Il en allait à ses yeux de la « poésie de cirtconstance » comme de son envers la « poésie pure » ou de la littérature dite « engagée » : « Je déteste cet adjectif de la Saint-Valentin [pour la « Saint-Martin », où se louaient les valets de ferme] : la poésie n’est pas une servante… Et puis je voudrais bien la voir votre poésie dégagée. Ses airs dégagés, comme on dit. Je gage qu’elle n’est qu’une petite dissimulée, parlant le jargon voulu pour cacher ses escapades » (Chroniques…, juin 1946). Il tenait aussi à bien marquer, dans sa préface, signée « François-la-Colère », aux Trente-trois sonnets composés au secret de « Jean Noir » (Jean Cassou), l’ « écart gigantesque » qu’il y avait « de cet individu à matricule, dénanti de soi-même, à la pureté de son ciel intérieur » et « des circonstances à l’activité paradoxalement élue ». Il convenait donc de distinguer entre la « poésie de circonstance » et les « circonstances de la poésie ». À la suite d’un différend avec Max-Pol Fouchet, Aragon préféra déchirer le contrat qui les liait pour la publication d’un « livre » consacré aux « Circonstances de la poésie » (et non à la « poésie de circonstance »), annoncé comme à paraître aux « Éditions de la revue Fontaine » dans Les Lettres françaises du 27 janvier 1945.
[Aragon à Max-Pol Fouchet, 28 mai 1945 : « Renonçons à ce livre que nous devions publier ensemble, déchirons le traité des Circonstances de la poésie » (« Aragon – Max-Pol Fouchet. Correspondance inédite », Augustin Guillot et Nathalie Limat-Letellier éd., Recherches croisées, n° 8, Presses Universitaires de Strasbourg, 2002, p. 247, où ce qui est dit de la « prise de position » d’Aragon en faveur de la « poésie de circonstance » est à nuancer). L’annonce de sa publication n’en fut pas moins reprise l’été suivant dans Fontaine (Circonstances, n. 33, p. 240). Le projet d’Aragon ne nous est pas autrement connu.]
C’est également à évoquer les « Circonstances de la poésie » que se consacre Pierre Reverdy dans un article prévu fin 1944 pour être une conférence et finalement paru dans L’Arche en novembre 1946. Essai dont le titre, a-t-on dit, se voulait « le contraire de l’expression "poésie de circonstance" » (Circonstances, 239). Le poète se devait de « surmonter sa stupeur » pour que « le son de sa voix s’accorde désormais à l’importancet à la gravité de l’événement qu’il venait de vivre », ne pouvant dans le même temps « aller à la barricade et chanter la barricade » (OC, 1236).
La disparition, à Solesmes, le 14 juin 1960, de Pierre Reverdy fut l’occasion, pour Aragon, d’évoquer dans Les Lettres françaises du 23 juin – « Un soleil noir s’est couché à Solesmes » – les « circonstances » de leurs premières rencontres, rue Cortot, à Montmartre, dans « ce temps de misère et de violence, un hiver qu’il régnait chez lui un froid terrible » :
« Il était, quand nous avions vingt ans, Soupault, Breton, Eluard et moi, toute la pureté pour nous du monde. Notre immédiat aîné, le poète exemplaire. La vie a bien pu entre nous couler, elle n’a jamais brouillé cette image, cette conscience noire, ce refus. cette voix d’ombre dans notre jeunesse. […] J’ai passé ce que je pouvais voler de cette journée terrible à relire un grand livre d’il y a douze ans, un grand livre qu’orna Picasso d’épaisses lignes rouges, comme s’il avait pour son ami Reverdy trempé le pouce dans son sang. Il s’appelle Le Chant des morts, et qui a jamais parlé ainsi de la mort ? Je peux à peine à cette heure en transcrire ces deux vers, qui sont nécessairement pour moi la paraphrase d’une lettre déchirante reçue il y a un mois peut-être :
Il reste peu de chose à prendre
Dans un homme qui va mourir
On ne l’a pas vu mourir. Et il était mort. »
Françoise Gilot a raconté dans Vivre avec Picasso (Flammarion, 1987, p. 236-240) l’histoire de ce « grand livre » publié en 1948 par l’éditeur et critique d’art Tériade, de format 43 / 32, 5 cm, texte manuscrit lithographié, avec 125 lithographies en rouge de Pablo Picasso (Bliographie, n° 283). Il n’est pas ou n’est plus dans la bibliothèque d’Aragon.
La mort, en 1963, de Georges Braque ne pouvait que rappeler au souvenir d’Aragon l’auteur, Pierre Reverdy, du Chant des morts, qu’avait « orné » Picasso :
…ce soir je songe à Reverdy
Je songe à ce Montmartre noir emporté dans les yeux qu’on ferme…
Celle de Tristan Tzara, en la nuit de Noël de cette même année 1963, fut ressentie par Aragon comme la fin d’un monde. « À qui le tour ? ». Tzara avait lui-même évoqué, en 1946, la place tenue par Reverdy au nombre des créateurs qui avaient le plus « contribué à changer sinon la vie, du moins sa signification, telle qu’elle est en train de se définir comme époque et comme histoire » (« De la solitude des images chez Pierre Reverdy », Le Point, Souillac, juillet 1946, OC, V, 180-181).
Aragon, Reverdy, Tzara, trois contemporains… Mais Aragon et Reverdy, des frères ennemis ? « Je crois, disait Reverdy, que c’est le plus normal. Trop de complicité d’esprit à ce degré de parenté – peut-être à tous les degrés – ressemble un peu à une sorte d’inceste » (En vrac, OC, II, 834). On ne compare jamais que des différences, à l’intérieur des « limites non frontières » que fixent l’ici et le maintenant des œuvres et de leurs auteurs.
ANNEXES:
Oui, j’ai subi mille influences : Diderot, Reverdy, Tzara…
< brouillon de réplique à un article de Philippe Soupault sur Giraudoux dans Les Feuilles libres de décembre 1921-janvier 1922 (Aragon, Papiers inédits, Lionel Follet et Édouard Ruiz éd., Gallimard, 2000, p. 357).
- « Je ne recèle d’arcane que tout ce que chacun thésaurise d’immanent, et émet selon le cours des CIRCONSTANCES » (Mallarmé / Maurice Pujo, 24 novembre 1892).
- les CIRCONSTANCES du jeu desquelles est issu le « magique circonstanciel » (André Breton, L’Amour fou, Pléiade, II, 691)
- « …les CIRCONSTANCES, cde vent de toute beauté » (Aragon, Chroniques du Bela Canto, décembre 1946.
On doit à Etienne-Alain Hubert de pouvoir lire aujourd’hui Pierre Reverdy grâce à son édition des Œuvres complètes (2 vol., Flammarion, 2010, désormais OC) et au recueil des articles qu’il lui a consacrés (Circonstances de la poésie, Klincksieck, 2009, p. 13-248, désormais Circonstances). On se reportera également à sa Bibliographie des écrits de Pierre Reverdy (Comité Pierre Reverdy / Éditions des Cendres, 2011).
Divers :
- - Louis Parrot, Le Poète et son image, Neuchatel, La Baconnière, 1943, p. 34 ss.
- « Pierre Reverdy », Mercure de France, novembre 1961.
- « Hommage à Pierre Reverdy », Entretiens, Subervie, Rodez, 1961 (lettres de Reverdy à Jean Rousselot, mai 1951).
- « Trente-deux lettres inédites à André Breton », Léon Somville éd., Études littéraires, vol. 3, n° 1, 1970.
- Philippe Soupault, Profils perdus, 1963 (« Folio », p. 73 ss.).
- Michel Collot, « « Le lyrisme de la réalité », Europe, janvier-février 1994.
- Anne-Marie Christin, « De la peinture à la poésie.L’énonciation typographique chez Pierre Reverdy », Europe, janvier-février 1994.
*ARAGON SUR REVERDY :
- « Pierre Reverdy. Les Ardoises du toit », Sic, n° 29, mai 1918 (OP, I, 45).
- « Pierre Reverdy. Les Jockeys camouflés et Période Hors-Texte », Littérature, n° 1, 15 mars 1919 (manque dans OP).
- « Le Ciel étoilé. Pierre Reverdy », Paris-Journal, 7 décembre 1923 (OP, I, 177)
- « Chroniques du Bel Canto », Europe, janvier 1946.
- « Un soleil noir s’est couché à Solesmes », Les Lettres françaises, 23 juin 1960, repris dans le numéro « Reverdy » du Mercure de France (novembre 1961), avec un commentaire d’Aragon. Manque dans OP.
> Annales de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet, n° 15.
**TZARA SUR REVERDY :
- « Pierre Reverdy, Le Voleur de Talan », Dada 2, Zurich, décembre 1917 (OC, Henri Béhar éd., I, 398).
- « Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit », Dada 4-5, Zurich, mai 1919 (OC, I, 406).
- « De la solitude des images chez Pierre Reverdy », Pierre Reverdy, Le Point, Souillac, juillet 1946 (OC, V, 180).
- « Pierre Reverdy et la conscience poétique », Hommage à Pierre Reverdy, Supervie, 1961, ms. daté du 8 janvier 1961 (OC, V, 367).
*dédiés par Breton « À Pierre Reverdy » :
- « Clef de sol », Littérature, n° 1, mars 1919 > Mont de piété (1919). Note de 1930 : « A Pierre Reverdy et vraiment pour lui plaire. Il s’était plaint que le style de mes poèmes fût pour les lecteurs de la revue N. S. qu’il dirigeait un peu fatigant » (Pl. I, p. 14 et 1095-1096).
- « Tournesol », Clair de terre, 1924 (« André Breton a-t-il dit passe » ; daté dans un ms. « 26 août 1923 » ; un ms. au FTA, sans dédicace ; Pl. I, p. 187 et 1213) > dans « La nuit du tournesol », Minotaure, n° 7, juin 1935 > L’Amour fou, chap. IV (1937).
**dédié par Aragon « À Pierre Reverdy » :
- « Lever », Feu de joie (1920).
PÉRIODIQUES :
- DADA : Reverdy collabore à Dada 2 (décembre 1917), 3 (décembre 1918). Voir sa lettre à Jacques Doucet sur les raisons qu’il avait eues de combattre un mouvement qui eût « tant été dans ses vœux du moment » (août 1922) dans : François Chapon, Mystère et splendeurs de Jacques Doucet, p. 287.
- SIC, « Sons, idées, couleur, formes » (Pierre-Albert Birot) – janvier 1916-décembre 1919.
- NORD-SUD (Pierre Reverdy) – 15 mars 1917 – octobre 1918. « Nord-Sud » était le nom d’une ligne de métro exploitée par une société privée (de Montmartre à Montparnasse), aujourd’hui ligne 12 (Mairie d’Issy-Porte de la Chapelle).
- LITTÉRATURE, 1ère série (Aragon, Breton, Soupault) – mars 1919-août 1921. « Littérature me déplaît » (Reverdy /Breton, 22 février 1919). Reverdy collabore aux numéros de mars, mai, juin 1919 et septembre-octobre 1920.
- PARIS-JOURNAL – Reverdy collabore aux numéros du 14/XII/1923 (« Pablo Picasso ») et des 1/II, 18/IV et 21/11 1924.
***BIO : Né de père et de mère inconnus le 13 septembre 1889 à Narbonne, « petite ville méditerranéenne aux traits sévères » : « j’y ai fait mes études de cancre en même temps que Benjamin Crémieux ». – Reconnu par sa mère à vingt-deux ans. L’année de sa naissance sa mère était mariée mais son mari en Argentine. Elle se remaria avec le père de P.R., qui a grandi au pied de la Montagne noire dans la maison de son père, ruiné par la crise viticole de 1907, à laquelle fait écho un poème en prose, « Bruits de nuit » (Poèmes en prose, 1915, OC, I, 47). Reverdy y revient dans une lettre de mai 1950 à Jean Rousselot : « L’atmosphère [à Narbonne] était sinistre – une misère effroyable accablait le pays ; on jetait le vin dans les ruisseaux ; au 14 juillet , on transformait la fontaine publique en fontaine vineuse. Les clochards y puisaient avec leur boîte à conserve. Tous les jeudis on vendait aux enchères le mobilier des pauvres gens… Quelque chose de tout à fait épique… Vous voyez cette petite ville occupée (déjà !) par 30 ou 35 000 hommes de troupe… On donnait beaucoup de vin aux troupes et la première fusillade, la première de toutes et de belle allure fut exécutée par un détachement du régiment de Tulle… pour qui on avait mis plusieurs demi-muids en perce… Du vin du sang de la cervelle… Anarchiste comme on se devait de l’être à vingt ans à cette époque-là, ce n’était pas cette tournure de choses qui pouvait m’incliner à la tendresse pour les soutiens de l’ordre et de la société ». – « On montait en wagon, on y passait la journée du dimanche, c’était l’époque pacifique des meetings avant les fusillades. A Montpellier, 500 000 défileurs [9 juin 1907]… Ce qui est étonnant, ce sont les circonstances… conséquence de la lutte politique à la Chambre des représentants des sucriers du Nord qui vendaient leur sucre aux fabricants de faux vin, et des représentants plus faibles des vignerons, qui voulaient vendre le vrai vin à un prix raisonnable ». (Voir Agulhon, La République, t. I, « Pluriel », p. 229 ss.).
*En 1910, monte à Paris – « Je suis arrivé à Paris le 3 octobre 1910, par un de ces temps de brume légère que je trouverai délicieux plus tard, mais qui ce matin-là, à 10 heures, au quai d’Orsay, en plein Paris, me donne simplement envie de retourner chez moi, au merveilleux soleil d’automne, qui, la veille encore ma caressait de ses rayons. Un ami m’attendait, nous montons à Montmartre dans un de ces taxis à chevaux, cocher à haut-de-forme de cuir bouillin etc... Écœurante traversée de Paris – par la place de la Concorde. Je trouvais tout cela affreux – ces façades grises, ces monuments lépreux. Le Paris de mon imagination s’effondrait dans la grisaille et la crasse d’un décor de catastrophe, et les arbres noirs – ça c’était le comble ! Je passai la nuit sans dormir dans un petit hôtel de la place Ravignan. Juste en face du Bateau Lavoir que j’habiterai quelques mois plus tard. […] C’est là que je rencontrai pour la première fois Picasso, puis Braque, […] Max Jacob et Apollinaire. […] Nous vivions les dernières années de l’époque antédiluvienne. Plus jamais le soleil ne nous a passé la main avec autant de douceur sur la peau. Jamais autant d’insouciance et de confiance ne nous a plus escortés vers l’inconnu » (Reverdy/Rousselot, mai 1950).
**Réformé en 1916 - installation rue Cortot, à Montmartre (Soupault, Profils perdus, Folio, p. 73 ss.) > fondation de Nord-Sud (mars 1917). Les premiers poèmes d’Aragon paraissent dans Nord-Sud (« Soifs de l’Ouest » en mars, « Acrobate » en avril, « Charlot mystique » en mai 1918). – + « Vous êtes tous trois, avec Aragon et Soupault, des amis que je suis fier et heureux d’avoir gagnés. Votre jeunesse, votre sincère pureté me donnent une satisfaction que l’on a bien rarement en art » ; « …reçu hier une lettre d’Aragon très tendre. […] Vous êtes sans doute mes plus purs amis » (Reverdy / Breton).
- 2 mai 1921 : baptème (influence du couple Maritain).
*** 30 mai 1926 : quitte Paris (et la « vie parisienne » : il avait été l’intime de Coco Chanel, créatrice de mode et de parfum, rencontrée en 1919 chez Misia Sert, et resta l’ami d’Hugues Panassié, fondateur du Hot Club de France ) > installation à Solesmes (Le Poète et son image, p. 34 ss.) accomplissant un « pas vers Dieu » qui se révéla n’avoir été qu’un « pas de recul devant la vie » (OC, II, 1507). [Misia Sert avait été l’épouse, en premières noces, de Thadée Natanson, fondateur de la Revue Blanche].
- en 1942, les Allemands occupent la maison des Reverdy qui la vendent et transforment une grange en lieu d’habitation.
- dans les années trente, accumule pensées et notes diverses qui constituent la matière de deux recueils : Le Livre de mon bord, notes, 1930-1936 (1939) et En vrac, notes (1956) dans lesquelles la réflexion esthétique affiche désormais sa proximité avec une éthique.
- Plupart du temps, poèmes, 1915-1922, Gallimard, 1945.
- Main d’œuvre, poèmes, 1913-1949, Mercure de France, 1949.
- 17 juin 1960 : mort et inhumation à Solesmes.
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Par ITEM (CNRS) le 9 Mars 2014 à 11:06
Séminaire du samedi 29 mars 2014
9h30-17h00
45, rue d'Ulm, Paris.
Salle Beckett.
Intervenants: Bernard Leuilliot (Aragon / Reverdy), Daniel Bougnoux (Démons et merveille de l'oralité chez Aragon), Nicolas Mouton (sur la voix et le chant), Robert Horville (Aragon / Ferré).
Séminaire présenté par Luc Vigier (ITEM / Université de Poitiers).
Programme détaillé:
Matinée (9h30-12h30)
Bernard Leuilliot: Aragon / Reverdy
Robert Horville: Aragon / Ferré
Après-midi (14h-17h)
Nicolas Mouton: "l'addiction de la diction : Aragon du noir et blanc à la couleur"
Daniel Bougnoux: "Démons et merveilles de l'oralité" (sur La Mise à mort en particulier)
Ce séminaire, comme tous les séminaires de l'Equipe Aragon, est ouvert au public.
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Par ITEM (CNRS) le 3 Novembre 2013 à 11:46
EQUIPE ARAGON
INSTITUT DES TEXTES ET MANUSCRITS
SEMINAIRE DU 23 NOVEMBRE 2013
10h—17h
Aragon dans les archives audiovisuelles
Sous la direction de Nicolas Mouton
Ecole Nationale des Chartes
19 Rue de la Sorbonne 75005 Paris
Matinée :
Antoine PERRAUD (France-Culture)
« Aragon enregistré par Francis Crémieux à la Maison de la pensée française en juin 1948. "Le temps des cerises : Gala en l'honneur de Jean-Baptiste Clément". »
Luc VIGIER (ITEM / Université de Poitiers)
« L'homme fait écran »
Après-midi :
Nicolas MOUTON (Université Paris X- Nanterre) :
« Aragon du manuscrit au film. Présentation et diffusion complète de l'émission "Plain chant" d'Hélène Martin » (décembre 1970)
Josette LEFAURE-PINTUELES (sous réserve)
« Aragon parle de l'édition de L'Oeuvre Poétique. Extraits d'une émission de la Radio Suisse : "Les 80 ans d'Aragon" (1977) »
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Par ITEM (CNRS) le 29 Septembre 2013 à 10:21
"Aragon plus que tout autre écrivain français, à ma connaissance, a pris la mesure du potentiel séducteur de ces machines parlantes, qui s'y entendent comme personne pour embobiner et rembobiner la pensée. Sa palette vocale est d'une infinie variété et il excelle à donner un tour original à la moindre anecdote. Cependant aucun discours n'est vain, ou grisé de son éclat : chaque intervention est travaillée, réfléchie et s'exprime dans un style tendu aux approches de la langue écrite. Le corpus invente sa forme au fur et à démesure de sa propre accumulation, à la manière d'un "qui je parle me crée". Nicolas Mouton
A signaler : Le livre de Jean Ristat Avec Aragon contient en annexe plusieurs entretiens inédits avec Aragon et Elsa Triolet que Nicolas Mouton a retrouvés et dont il a établi l'édition.
http://www.franceculture.fr/emission-tire-ta-langue-quand-aragon-faisait-son-cinema-a-la-radio-2013-09-29
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