• Séminaire ERITA / EQUIPE ARAGON du 6 juin 2015
    45 rue d'Ulm, Paris, salle WEIL

    Matinée (9h45-12h15)

    Josette Lefaure-Pintueles, «  Aragon autogénéticien ? »

    Après-midi (14h15-17h)

    Florian Mahot-Boudias, « Le Crève-coeur, présentation et analyse du dossier génétique »

    Les séminaires de l'Equipe Aragon sont ouverts à tous.


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  • EQUIPE ARAGON

    Séminaire du 28 mars 2015
    45 rue d'Ulm, salle WEIL

    Matinée (9h45-12h15)

    Armand Karimi Goudarzi: "Le Medjnoun et Leila dans Le Fou d'Elsa" d'Aragon.
    Monsieur Goudarzi est traducteur et chercheur. Il travaille actuellement comme rédacteur en chef pour la revue Analytica iranica.

     

    Après-midi (14h15-17h)

    Luc Vigier: Aragon dans le journal Ce Soir, de 1937 à 1945.
    Ce quotidien étant désormais en ligne sur Gallica pour cette période, on proposera une exploration des pages où apparaissent les textes (parfois inédits) d'Aragon et une analyse des dispositifs typographiques choisis par Jean-Richard Bloch et Aragon. Ce sera également l'occasion d'évoquer l'écriture de presse chez Aragon et les liens visuels, techniques et conceptuels qui existent entre Ce Soir et Les Lettres françaises.

    Les séminaires de l'Equipe Aragon sont ouverts à tous.


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    Hommage à Pierre DaixL'Equipe Aragon a tenu à rendre hommage à Pierre Daix, disparu le 2 novembre 2014. Plusieurs générations de chercheurs savent ce qu'elles lui doivent : on trouvera sur cette page les textes, les témoignages et les souvenirs de chercheurs qui ont croisé son travail, ses conférences, ses essais sur Aragon.

     

     

     

    Daniel Bougnoux, Pierre Campion, Marianne Delranc-Gaudric, Reynald Lahanque, Nicolas Mouton, Valère Staraselski et Maryse Vassevière ont accepté de nous envoyer leur texte dans de très brefs délais, qu'ils en soient remerciés.

     

    Daniel Bougnoux 

    L’annonce de ce décès m’atteint en Corse, où je ne dispose d’aucun des livres de Pierre Daix, conservés à Grenoble. Je peux toutefois témoigner ici en faveur de sa biographie d’Aragon, d’abord parue en 1975 sous le titre « Une vie à changer » (avec en couverture une assez vilaine photo de son sujet, où les couleurs trop criardes semblent se combattre). Cet ouvrage, dès sa parution, fut copieusement insulté par Ristat (je l'entends encore) qui croyait relayer ainsi « la voix de son maître ». Aragon n'aimait pas cette reconstitution pourtant valeureuse, pour des raisons très particulières bien analysées par Josette Lefaure-Pintueles dans sa thèse : toute biographie risquait d’arrêter dans son « mouvement perpétuel » celui qui avait la rage de récrire sans cesse sa vie (au bien ?), et ne pouvait donc supporter qu'un récit venu d'un autre lui crie Fixe !... Passons. J'avais signalé à Pierre, au fil de mes propres recherches, nombre d'erreurs de détail qu'il négligeait à chaque réédition de corriger. Si sa biographie comporte plusieurs inexactitudes, c'est pourtant un ouvrage très solide sur le fond et dans son mouvement général, qui a le talent de tresser une lecture (perspicace) du texte littéraire avec les fameuses circonstances, et auquel je me suis donc moi-même constamment référé. En ces jours de deuil, honneur à Daix, et honte à ses détracteurs !

    Au nombre de ceux-ci, il faut ranger malheureusement Francis Crémieux qui souleva une polémique dans les colonnes de Faites entrer l’infini en démarquant son titre, « Une biographie à changer ». Pourquoi ? Je ne me fais plus, d’où je suis rapportant ceci, aucune idée de cette querelle (sur laquelle pourrait m’éclairer sans doute ma voisine Suzanne Ravis, qui habite à 6 kms, mais nous regagnerons ce soir le continent sans la voir). Un autre adversaire de Daix me frappa de plein fouet, un jour d’octobre 1978, je veux parler de Charles Dobzinsky, auquel je portais pour édition possible le colloque que j’avais organisé à Cerisy (au mois de juillet précédent) sous le titre « Le Mouvement-Aragon ».

    Ce colloque ne fut jamais édité, et voici pourquoi : je me revois assis dans le petit bureau de la revue Europe, face à un Dobzinsky changé en instituteur, ou en fonctionnaire de quelque police littéraire, qui feuilletait avec suspicion mon paquet de feuilles. Il y avait au sommaire des contributions de Wolfgang Babilas, Jacques Roubaud, Georges Raillard, Eliane Formentelli, Jacques Berque (belle conférence sur le Fou d’Elsa demeurée sur bande magnétique et non encore transcrite), j’en oublie, mais non et surtout celle de Pierre Daix, qui avait donc séjourné quelques jours avec nous au château, très entouré par les jeunes chercheurs, très sollicité.

    Dobzinsky referma avec un bruit sec le volume, et me le tendit dramatiquement par-dessus le bureau : « Mon jeune ami, on ne s’assied pas à la même table que les renégats »… Je mis quelques secondes à comprendre : la présence de Pierre, qui honorait cet ensemble, venait de lui sauter au visage comme un crapaud, une insulte impardonnable à sa conscience d’apparatchik. « D’ailleurs il est six heures », ajouta cet honnête fonctionnaire en se levant, les yeux fixés à la pendule, pour me pousser vers la sortie. J’étais abasourdi ; découragé, j’enterrais le volume et bazardais la bande magnétique où figurait la contribution de Berque, à jamais perdue. Ce colloque, en 1978, était prématuré ; je revois Jean Ricardou, le compagnon d’Edith Heurgon, rencontré à Grenoble et me soutenant en face de sa voix de pion, au restaurant où nous dinions, que « Aragon n’est pas un écrivain ». Et je revois surtout Ristat, tout sourire envers moi, mais manoeuvrant en coulisse pour torpiller méticuleusement ce colloque qui aurait pu, sait-on jamais, plaire à son maître ou lui faire un peu d’ombre…

    Nul ne lira jamais Le Mouvement-Aragon ; ses participants, parfois jeunes, y auront glané des raisons d’aimer notre auteur au-delà des appartenances, des calculs d’influence ou des coups tordus. Nous y étions venus pour le plaisir de parler d’un auteur vénéré, autour duquel échanger nos raisons, nos passions. Pierre était de ceux-là, avec nous : il entrait fraternellement dans cette mêlée, riche de son livre et de toutes ses années passées aux côtés de Louis, il témoignait, sans fierté ni arrogance paticulières. Je ne l’ai pas souvent revu, chez lui une fois dans cet appartement du XIIe arrondissement croulant de livres, puis à New York pour un colloque en 2000 (avec Ristat ! et aussi Madame Dominique Desanti, improbable melting pot), à l’ITEM enfin pour une séance Picasso/« Ecrits sur l’art moderne » à laquelle participaient aussi Christine Piot, Jacques Leenhardt… Sa voix s’était faite plus sourde, un peu cassée. De sa présence massive, têtue, tenant modestement sa place, Pierre était là.

    Daniel Bougnoux, chercheur, philosophe et essayiste, a dirigé l'édition des Oeuvres romanesques complètes d'Aragon en Bibliothèque de la Pléiade (1997-2012).

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    Pierre Campion

    Je cherchais des renseignements sur les journées insurrectionnelles de mai et juin 1952. Pourquoi ne pas s'adresser directement à Pierre Daix ? Il répondit immédiatement au mail de cet inconnu avec amabilité et simplicité en me renvoyant à son livre J'ai cru au matin. J'y appris tout ce que je voulais et bien plus encore : la vie d'un homme qui a pris des risques peu communs avec le courage d'agir et de se déjuger.

    Pierre Campion, ancien professeur de CPGE, spécialiste des rapports littérature et philosophie, auteur de plusieurs essais sur cette question, est venu en 2012 à l'ITEM évoquer le rôle de Sartre dans l'affaire Henri Martin.

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    Marianne Delranc-Gaudric

    Pierre Daix est l'auteur d'un beau livre sur Elsa Triolet: Avec Elsa Triolet 1945-1971 (Gallimard, 2010) dans lequel il rend hommage aussi bien à l'écrivaine, qu'à la femme, à celle qui l'a soutenu dès son retour de déportation, à la résistante, à l'artiste qui a exprimé sa sympathie à Picasso au moment de l'affaire du portrait de Staline. Il montre aussi comment elle fut, au début des années soixante,"à l'avant-garde de la nouvelle bataille des écrivains soviétiques pour la conquête de la liberté". C'est un "honnête homme", dans tous les sens de l'expression, qui vient de disparaître.

    Marianne Delranc, spécialiste d'Elsa Triolet, a organisé un colloque sur son oeuvre: elle est membre de l'Equipe de recherche interdisciplinaire sur Elsa Triolet et Louis Aragon.

     

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    Reynald Lahanque

    De Pierre Daix, ce n’est pas l’indispensable biographie d’Aragon que j’ai d’abord connue, mais ses témoignages sur son expérience de militant, ainsi que ses analyses du communisme réel. J’ai cru au matin et Le socialisme du silence, publiés en 1976, ont été pour moi des lectures marquantes. Ces deux livres, tout de sincérité et de rigueur, projetaient une lumière crue sur le sens et les affres de l’engagement, et ils amorçaient le bilan d’un immense désastre historique, au moment où venait de paraître en France L’Archipel du Goulag. Et c’est Pierre Daix qui avait contribué à faire entendre une première fois la voix de Soljenitsyne, en obtenant que soit publié Une journée d’Ivan Dénissovitch. Le très jeune résistant communiste avait connu la prison et la déportation, le survivant avait consacré toutes ses forces à la défense de son idéal, et voici que cet idéal était bafoué par les camarades eux-mêmes. Il fallait du courage pour d’abord demeurer fidèle, et plus de courage encore pour s’éloigner, et pour aller aussi loin que possible dans l’examen de ce qui était advenu, ici et là-bas. Daix aura ce courage, en publiant des livres comme Les Hérétiques du PCF, Le Futur indocile ou Tout mon temps.

    Rédacteur en chef des Lettres françaises dans l’après-guerre, très proche collaborateur d’Aragon, et jouissant de l’amitié d’Eluard et de Picasso, il avait pris toute sa part dans les combats idéologiques et culturels du Parti. Responsable littéraire de La Nouvelle Critique, il avait contribué à théoriser et à diffuser la version française du réalisme socialiste. Ce qu’on sait moins, semble-t-il, c’est qu’avec les quatre volumes de Classe 42 (1951-1953) il a aussi écrit un vaste roman politique qui, à bien des égards, reprenait les choses là où Aragon les avait laissées : le premier volume paraît au moment où l’auteur des Communistes renonce à poursuivre son entreprise, et il s’ouvre sur la débâcle de mai-juin 40, sur laquelle s’achevait le cycle d’Aragon. C’est Daix qui écrit le roman attendu, le roman de la Résistance et des héros communistes, en couvrant non toute la guerre, mais la période qui va des premières heures de l’Occupation à la bataille de Stalingrad (février 1943). C'est-à-dire la période qu’il a lui-même vécue, comme membre de l’Organisation secrète, jusqu’à son arrestation. Il savait, mieux que personne, qu’il risquait ainsi de heurter la vulgate officielle qui attribuait à la direction du Parti le mérite entier de la lutte, d’autant qu’il allait avoir très vite la confirmation de la mise à l’écart des « francs-tireurs», avec l’éviction de Charles Tillon (le chef glorieux des FTP, devenu ministre de l’Air à la Libération, et qui avait fait du jeune Pierre Daix, à peine revenu de Mauthausen, son chef de cabinet). Mais pour l’essentiel, il a joué le jeu, en magnifiant « le parti antinazi » et en minimisant la part des initiatives prises par les pionniers de la lutte armée : Classe 42 met en scène l’inlassable travail d’éducation politique, de mise au pas, destiné à canaliser l’enthousiasme de très jeunes gens, leur volonté d’en découdre. Ce faisant, tout en donnant systématiquement raison aux cadres du Parti, il rencontre en chemin des questions sensibles, qui touchent à la liberté que se sont arrogée les premiers activistes, dès l’été 40, à l’absence de préparation à la lutte armée par la direction, au caractère tardif de la décision de recourir aux attentats, au défaut prolongé de directives à l’intention des néophytes entrés dans la clandestinité, aux habitudes prises d’avoir à se débrouiller seuls. Tout cela que le roman ne peut dire en clair, mais qu’il effleure, si bien que les deux derniers volumes seront tièdement accueillis par L’Humanité et très froidement par Jacques Duclos : celui-ci avait dû comprendre ce qu’il y avait de dénégation dans une formule comme « l’illégalité n’est pas une école ».

    La suite de son histoire personnelle, la déportation à Mauthausen, Daix l’avait racontée dans La Dernière Forteresse (1950), en faisant du Parti « le recours suprême » et en poussant très loin « l’idéalisation des Soviétiques » (ce sont ses termes). Faute de pouvoir le réécrire (comme Aragon l’avait fait des Communistes) tant le point de vue stalinien l’imprégnait de « manière indélébile », il en a opéré une sorte de reprise critique avec L’Ombre de la forteresse, publié quarante ans plus tard (1990). Le réalisme n’est plus, cette fois, un vain mot, mais la leçon qui demeure est celle de l’efficacité de la croyance : que la foi du militant soit tissée de mensonges et d’illusions n’a pas empêché, tout au contraire, qu’elle ait rempli son office salvateur. Celui qui avait fait ses apprentissages décisifs dans les prisons de Vichy et dans l’enfer d’un camp nazi lui doit, pour beaucoup, d’avoir survécu, son témoignage corroborant ce que ses romans nous invitent à déchiffrer.

    En signe de reconnaissance, et sachant que Pierre Daix a aussi beaucoup écrit sur la peinture et l’art, je voudrais lui dédier le dernier poème que composa le grand Hokusai : « Tel un fantôme / Je foulerai d’un pas léger / Les champs d’été ».

    Reynald Lahanque, professeur émérite de littérature à l'Université de Nancy II, spécialiste d'Aragon et de la question du réalisme socialiste en particulier à laquelle il a consacré une thèse d'Etat, est membre de l'Equipe interdisciplinaire sur Elsa Triolet et Louis Aragon (ERITA).

     

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    Nicolas Mouton

    Il faisait un ciel peut-être semblable à celui du 11 novembre 1940, dans cette banlieue ouvrière où ma famille a passé le siècle vingt, quand par la radio nous avons appris la mort de Pierre Daix. Et bien qu'aucun de nous n'ait été son familier, sinon par la voie des livres, cette perte fut ressentie comme celle de l'un des nôtres. Je passais pour ma part l'après-midi à feuilleter quelques volumes, relisant les dédicaces, essayant de dater telle rencontre, et partout c'était sa voix que j'entendais, grave et sérieuse, teintée par l'émotion dominée d'être avant tout un témoin.

    Ma découverte d'Aragon s'était faite à l'adolescence, et dans la compagnie de sa première biographie, à la bibliothèque d'Argenteuil. Rencontre de hasard, puisque c'était la présence des volumes des Oeuvres Romanesques Croisées et de l'Oeuvre Poétique qui m'avait jeté dans une lecture chronologique de cet auteur dont j'ignorais tout, si ce n'est quelques chansons. Et c'est en m'aidant de la biographie de Pierre Daix, que pas à pas je cheminais d'abord en ces sentiers d'Aragon, y prenant follement goût. Comment jamais oublier un tel guide ?

    Quelques temps plus tard, invité dans ce même lieu pour y célébrer la mémoire d'Aragon – dont la bibliothèque porte le nom – je rencontrais Pierre Daix venu parler de la deuxième version de sa biographie. Accueillant envers l'ignorant étudiant que j'étais, il semblait beaucoup se réjouir qu'une nouvelle génération se passionna pour son ancien directeur et ami. Cette sorte de bienveillance, je l'ai retrouvée à chacune de nos trop rares rencontres. J'aimais qu'il se prête sans difficulté à cet exercice d'aller rencontrer un public avide d'apprendre. De ce caractère je garde un souvenir sonore, grâce à Nathalie Limat-Lettelier : nous nous étions trouvés un jour de 1997 à un débat entre Daix et Jean d'Ormesson sur "Aragon, et la volonté de roman". Cette grande érudite avait eu la présence d'esprit d'enregistrer la soirée et m'en avait ensuite passé une copie. Ce qui me conforta dans une première intuition que la littérature qui s'appréhende d'abord avec les yeux peut aussi se ruminer par l'oreille.

    Si certains de ses livres eurent un grand retentissement en moi (en particulier Tout mon temps, 2001), la présence de Pierre Daix se matérialise aussi beaucoup par les archives audiovisuelles qu'il a laissées. Et je garde précieusement ses passages sur les radios où il évoquait les premiers résistants communistes, la survie dans les conditions de Mauthausen, Fernand Braudel, Picasso, Arthur London ou Elsa Triolet. Je me souviens d'un beau dialogue sur la déportation avec Simone Veil, et du film extraordinaire qu'il réalisa avec Pierre-André Boutang : 13 journées dans la vie de Picasso. Il m'aura cependant fallu acquérir une collection complète des Lettres françaises pour que tout ce que j'avais mal classé sur les étagères de ma mémoire prenne un sens. Car, pour qui consulte chaque jour cet extraordinaire journal, il est le meilleur portrait de Pierre Daix que l'on puisse faire. Toute sa foi dans la culture, l'art, la littérature et surtout la passion de la transmission est là. Et peut-être quelque éditeur serait-il bien inspiré de réunir les articles donnés à cet hebdomadaire en un fort volume ? Nous avons là, je crois, un devoir de reconnaissance envers ce qui nous a été laissé : et c'est pourquoi je n'ai pas aimé lire les attaques systématiques contre ses livres et sa personne, exprimées dans le supplément de L'Humanité qui a reprit à son compte le beau titre de "Lettres françaises".

     Il me touche enfin, qu'au moment de mettre un point final à son travail d'écrivain, il ait une dernière fois remis ses pas dans ceux du jeune Aragon, livre qui paraîtra au début de 2015.

    Pour finir cette évocation malabile et trop brève, où il serait fou de chercher à conclure, j'aimerais repasser la parole à Pierre Daix, et donner à réentendre sa voix. Ce sont quelques minutes du film sur Picasso où il évoque la célèbre affaire du portrait de Staline...

     

     

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    Valère Staraselski

    Première rencontre avec Pierre Daix.

    C’était en 1997, j’avais été invité par une librairie de Troyes et une association de la ville dirigée par Jean Lefebvre à rencontrer le public avec Pierre Daix à l’occasion du centenaire de la naissance d’Aragon.

    A cette époque, sur le « marché des livres » concernant notre auteur, il n’y avait que le Daix et mon Aragon, La Liaison délibérée

    Personne ou pas grand monde ne pariait, en ces années, un kopeck, si j’ose dire, sur Aragon en tant qu’auteur.

    Le libraire était plutôt inquiet. Nous étions en période de vacances scolaires et le public était peut-être lassé car Olivier Todd avait la semaine d’avant rempli la salle (une espèce de salle des fêtes assez vaste ou théâtre) en parlant de Malraux ou Camus, je ne sais plus bien, s’appuyant sur une biographie qu’il avait consacrée à l’un ou à l’autre.

    Or, ce soir-là, à la surprise générale, la salle déborda de monde, il n’y avait pas assez de chaises ! Aragon avait visiblement battu un record de participation…

    Nous étions assis à une tribune drapée de rouge et l’animateur posait des questions auxquelles nous devions, Pierre Daix et moi-même, répondre chacun notre tour.

    Après une petite chicane de détail avec Daix, dès la première question,  la soirée se déroula admirablement bien.

    Le public se montra non seulement très attentif mais contribua par ses questions sur l’auteur des  Communistes et de La Semaine sainte  à une visite assez complète.

    A la fin de la rencontre, je me souviens que nous avions et l’un et l’autre signé le même nombre d’exemplaires de nos ouvrages. Comme si nos points de vue et propos parfois divergents sur la vie et l’œuvre d’Aragon avaient été complémentaires…

    Ensuite, nous avons passé une partie de la nuit à parler d’Aragon bien sûr mais aussi de Picasso (Pierre Daix préparait une exposition sur lui) mais aussi du PCF (je me souviens qu’il disait Maurice et Jeannette désignant par-là Thorez et Vermeersch, comme si c’était hier) et bien sûr très longuement du camp de Mauthausen où il avait été déporté. Les murs faits de corps gelés en hiver, les trains pullman déversant en pleine nuit leur « cargaison » de femmes en manteaux de fourrure ayant été raflées quelques heures avant et qui partaient directement à la mort.  Il évoqua aussi Arthur et Lise London dont il avait épousé la fille. Tout au long de notre conversation, il se montra très chaleureux. Il y avait du vin rouge. Nous nous sommes couchés après quatre heures du matin…

    De ce jour, nous sommes devenus très amis…

    Il m’a bien sûr offert son livre avec la dédicace suivante (trop gentille) :
    «  A Valère qui en connait autant que moi sinon plus sur Aragon ».

    Par la suite, nous avons encore parlé d’Aragon ensemble à la FNAC ou ailleurs, mais c’est de cette première rencontre dont je me souviendrai toute ma vie, considérant que Pierre Daix était avant tout un grand résistant, un intellectuel passionné et passionnant. Que l’auteur de J’ai cru au matin était un homme blessé aussi par les combats politiques, un homme à l’esprit très ouvert, méritant le respect et l’estime de chacun.

    Valère Staraselski est écrivain, essayiste et journaliste. Il a publié de plusieurs ouvrages sur Aragon.

     

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    Maryse Vassevière

     

     

     

    La parole d’un hommage est toujours personnelle, et celle-ci le sera pour évoquer une grande figure intellectuelle qui maintenant sera celle d’un grand absent. Pierre Daix était né en 1922 comme ma mère, il n’est plus et sa perte me touche comme celle d’un être proche, d’un ami.

     

    Je me souviendrai toujours des inflexions si chaudes de sa voix grave, quand il me parlait, dans un séminaire, au Moulin, à la maison même où il était venu m’interviewer pour une émission sur Aragon, ou quand on l’entendait à la radio parler si justement, si précisément, si amicalement d’Aragon et d’Elsa.

     

    Je me souviendrai toujours de sa grande chaleur humaine, de sa gentillesse et de son extrême bienveillance à mon égard, celle d’un grand aîné pour ses cadets – un peu à la manière d’Aragon –, qui lui faisait répondre toujours positivement à mes sollicitations, et notamment à celle de participer au colloque que nous organisions au Moulin de Saint-Arnoult sur Les Lettres françaises en juin 2011. Cette bienveillance, je la vois aussi dans sa façon d’intégrer le travail des aragoniens – les miens en particulier que parfois on passe sous silence – dans la dernière version de sa biographie d’Aragon qu’il m’a chaleureusement dédicacée. Cet Aragon (1975, 1994, 2004) de Pierre Daix demeurera une référence incontournable, notamment parce qu’il montre les paradoxes d’Aragon (par exemple le paradoxe d’une critique du stalinisme mais de l’intérieur – ne jamais faire un pas de plus pour sortir du parti – ou le paradoxe de la double appartenance au champ littéraire et au champ politique) et la manière dont il faut les lire contre la doxa et dans une perspective pragmatique, au sens habituel du terme mais aussi au sens linguistique du terme.

     

    Cette ouverture au travail des autres témoigne aussi de sa grande probité. Et de sa lucidité sur le monde, sur le monde politique notamment qu’il a traversé avec les connaissances et les responsabilités d’un familier du sérail qui sait pourtant appeler les choses par leur nom et prendre les distances qui s’imposent. Cette lucidité, je la vois à l’œuvre dans son livre sur Les Lettres françaises (Tallandier, 2004) qui a été, à tort, beaucoup critiqué et que je tiens pour une œuvre majeure, pour parler comme notre Aragon commun… Avec son honnêteté habituelle, Pierre Daix a conscience de ne pas englober toute l’ampleur de ce vaste champ et il l’indique d’entrée de jeu par son titre : Jalons pour l’histoire d’un journal. 1941-1972. Pourtant cette modestie initiale n’empêche pas le livre d’apporter un éclairage décisif sur le « communisme national » d’Aragon et sur le paradoxe de sa radicalisation communiste contrainte dans les années 50. Toutes choses capitales pour moi, car elles venaient confirmer mes propres analyses des paradoxes d’Aragon.

     

    Les Lettres françaises auront été son œuvre autant que celle d’Aragon. Avec lui, il aura contribué à faire de ce journal communiste un grand hebdomadaire qui dépasse son propre lectorat militant et touche la vie intellectuelle française tout entière, notamment au moment de ce qu’il aura justement appelé « le grand tournant de 1962 ». De ces riches années 60, des années théorie, on gardera en mémoire les grands articles et interviews de Pierre Daix sur Lévi-Strauss, Barthes, Foucault, etc. Et enfin, pour celui qui avait épousé Françoise, la fille d’Arthur et Lise London, les grands articles enflammés sur le Printemps de Prague : c’est eux que je lisais dans le car qui me ramenait d’Aix où j’étais en hypokhâgne à mon petit village de la Sainte-Baume… Et grande était l’exaltation qui était la mienne… C’est un peu à Pierre Daix que je la dois et je l’en remercie par-delà le temps… Pour le rôle de passeur qu’il a joué pour moi.

    Maryse Vassevière, ancienne Maître de Conférence à Paris III, est spécialiste d'Aragon et membre de l'Equipe Aragon.

     

    Luc Vigier

    Nous avions invité Pierre Daix lors d'une journée d'études sur Les Lettres françaises: souffrant ce jour-là, il n'avait pu se déplacer et nous avions entendu son texte, centré sur l'essentiel: Aragon avait toujours travaillé au plus près des ouvriers typographes, matériellement très attentif au marbre, à l'impression, à la mise en page, en artisan du discours-journal. Il parlait alors d'Aragon avec une grande simplicité, un effacement et le souci de dire avec exactitude ce qu'il avait été, plaçant à l'arrière-plan le rôle très important qu'il avait joué lui-même comme rédacteur en chef dans la création de cette grande composition qui dura presque trente ans. La biographie de 1975 (Aragon, une vie à changer), trois ans à peine après la mort du journal, un an à peine après avoir quitté le PCF, est la première de cette dimension, la première aussi à se présenter comme essai sur un demi-siècle d'engagement, avec l'immense difficulté d'écrire sur Aragon sans tout à fait parler de soi. Il me semblait, à le découvrir (pour ma part très tardivement, en 1989), qu'il s'agissait aussi d'une biographie adressée, je veux dire la continuité d'un dialogue avec Aragon sur certaines questions centrales pour eux deux: la fidélité au Parti d'une part, la puissance du discours de la littérature et de l'art d'autre part. L'hypothèse psychanalytique qui fonde Une vie à changer (avec cette ambiguïté sémantique qui rend le titre polémique: faut-il entendre le mouvement perpétuel ou la nécessité de réécrire sa vie?), celle d'une famille de substitution qu'Aragon aurait trouvée dans le Parti communiste, sert de conducteur et de matrice mais ne masque en rien l'autre cohérence d'un essai biographique qui est véritablement une oeuvre, une écriture et pour le dire comme je l'ai reçu à l'époque, un roman. Ce n'était pas légende, c'était le roman des textes, l'attention au détail, aux convergences entre les poèmes et les préfaces, des intuitions toujours justes sur la place des femmes (et uniquement des femmes en 1975) et la considération surtout d'Aragon dans sa totalité, dans sa verve dans la superposition de plus en plus complexe des strates de sa vie et de la mémoire, du désir et du monde réel. Pour les chercheurs de ma génération, ce livre dont la couverture aux connotations tricolores appuyées et presque violentes faisait briller les yeux d'Aragon d'un bleu de tendresse et d'angoisse, reste l'un des grands déclencheurs de la lecture et la préface à un décloisonnement des textes. Pierre Daix embrassait si l'on peut dire Aragon, à sa manière, en donnant toute sa place au génie, au chant et à l'histoire.

    Luc Vigier est maître de Conférences à l'Université de Poitiers et dirige l'Equipe Aragon de l'ITEM (CNRS).

     

     

    -> Lire aussi la synthèse des réactions à la mort de Pierre Daix réalisée par l'Equipe ERITA

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Séminaire du 15 novembre 2014Le prochain séminaire de l'Equipe Aragon aura lieu

    le samedi 15 novembre

    de 9h30 à 17h, 45 rue d'Ulm, salle Weil.

    Les séances sont ouvertes au public

    Programme:

    9h30-12h30:

    Accueil et présentation des interventions prévues pour 2014-2015

    Johanne Le Ray: "La traduction, sentier de la création"

    Poly-traducteur, Aragon noue un rapport à l’étranger qui mérite d’être étudié pour lui-même mais aussi dans toute la richesse de ses interactions avec son œuvre. Activité de passeur visant à mettre certains auteurs élus à la portée de tous (Lewis Carroll, Maïakovski, Pouchkine, etc.), le processus de la traduction est également pour lui l’occasion d’un décentrement réclamé par une éthique de fidélité au texte d’origine. A la fois expérience de défamiliarisation et rêve d’hybridation, la confrontation avec le texte étranger conduit à un ébranlement linguistique dont le bénéfice esthétique semble évident. On peut ainsi observer concrètement comment l’activité du traducteur travaille l’écriture de l’auteur, contribuant à mettre en crise une conception normative du français tout en lui fournissant les bases d’une expérimentation créatrice sur les limites de sa plasticité. A l’horizon de cette pratique, les derniers romans d’Aragon, où scène de la traduction et scène de la création se confondent.

    Johane Le Ray est PRAG à l'Université Paris Ouest, doctorante à l'Université Paris-Diderot (Cerilac) et traductrice littéraire. Elle prépare une thèse sous la direction de Nathalie Piégay: "Anthropologie et poétique de la croyance dans l'oeuvre d'Aragon".

    Alice El Ghaba Étienne: « Défamiliarisation langagière et musique de cohésion : étude de l'intertexte anglais dans les manuscrits de La Mise à mort. »

    La Mise à mort se caractérise par une omniprésence de l'intertexte anglais, qui accompagne les noyaux de réflexion du roman. Cette récurrence invite à s'interroger sur la place prise par cet intertexte dans les manuscrits de travail ainsi que sur son traitement, sur les modalités de la constitution progressive de cette musique anglaise. Deux tendances majeures président à ce développement. On observe un travail de confrontation de l'anglais et du français qui aboutirait à une défamiliarisation de la langue, en particulier à travers la pratique de traduction. Le roman se fait alors espace d'expérimentation où l'assimilation et la négociation entre l'anglais et le français participent au renouvellement de l'écriture. Cette recherche de l'étranger se double d'ajouts successifs qui s'attachent à l'extension de l'intertexte anglais. La multiplication des occurrences et la diversification des hypotextes crée alors une musique reconnaissable qui semble former un élément de cohésion, une forme de brochage sonore, dans le vertige et l'hétérogénéité du roman.

    Alice El Ghaba est auteur d'un mémoire de master sur Aragon et prépare actuellement l'agrégation de Lettres. 

     

    12h40-14h: déjeuner

    14h-17h:

    Luc Vigier: Aragon et les dessins de David D'Angers pour le Théâtre de l'Odéon avec en complément et en dialogue une présentation par Nicolas Mouton d'un très bel entretien radiophonique d'Aragon sur David D'Angers.

    On connaît les liens esthétiques et politiques qui relient Aragon au premier piloti de La Semaine sainte, mais on connaît moins cet achat qu'Aragon fit au début de 56 lorsqu'il acquit les dessins préparatoires de David D'Angers pour la rénovation des décors du Théâtre de l'Odéon. Ces figures d'auteurs et de personnages répartis en frises avaient de quoi stimuler l'intérêt très ancien d'Aragon pour le dessin, les séries et la cinétique des figures.

     


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    Site de l'Equipe Aragon (collectif de recherche de l'ITEM)Depuis 2008, l'Equipe Aragon anime des séminaires, au rythme d'un tous les deux mois en moyenne, avec l'intervention de nombreux spécialistes de l'oeuvre ainsi que des doctorants ou des invités venus d'autres disciplines, notamment du domaine des arts.

    Créée à l'initiative de Pierre-Marc de Biasi en 2008, cette équipe rattache ses travaux au fonds de manuscrits légué par Aragon au CNRS en 1976 tout en étendant ses communications à des aspects transversaux de l'oeuvre.

    Jusqu'en 2010, les communications ont plus particulièrement porté sur la notion d'art, sur Les Lettres françaises et se concentrent cette année sur certains aspects génétiques: manuscrits, éléments iconographiques issus des "murs" de la rue de Varenne, archives sonores et videos.

    Direction: Luc Vigier (depuis 2010, en co-direction avec Daniel Bougnoux de 2008 à 2010)

    Comité scientifique: Luc Vigier, Daniel Bougnoux, Maryse Vassevière.

    Les séminaires ont généralement lieu à l'ENS, 45 rue d'ULM.

     


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